RELIRE UNE PREDICATION RECENTE

Paroles, Parole, s’envole (Jean 8,1-11 ; Nombres 12,2-8)

PR R. DEWANDELER – Les chrétiens, comme les juifs et les musulmans, conviennent que la Parole de Dieu est fixée dans la Bible, dans la Torah ou dans le Coran. C’est l’un des biens communs aux trois grands monothéismes selon lesquels la foi est une affaire de dialogue entre Dieu et les hommes. Dieu parle (lorsque les idoles restent muettes) et nous disons que sa Parole est fixée par écrit. Par des hommes, bien sûr : « La Bible n’est pas tombée du ciel ! » La ‘Parole-de-Dieu’ est l’œuvre des hommes, et sans doute pas de ceux qu’on croit. A l’époque supposée de Moïse (-13e siècle), l’écriture hébraïque n’existait quasiment pas ; les livres des prophètes furent élaborés sur plusieurs générations ; le NT n’a pas été fixé avant le 4esiècle. Jésus eût été le meilleur propagateur de sa propre prédication, mais il n’a lui-même rien écrit !

Après ce constat, que reste-t-il de la dite ‘Parole de Dieu’ ? Un texte avec des fautes d’orthographe, parfois des mots inconnus, des contradictions, des réflexions personnelles de copistes en marge du texte, des livres dont on a perdu l’original, des versions différentes des mêmes événements, etc. Au final, un livre comme tous les autres livres de l’Antiquité, avec toutes les imperfections d’un ouvrage écrit de la main des hommes ! 

Pourtant un livre dont nous disons qu’il est inspiré et qu’il est inspirant, qu’il est même ‘Parole de Dieu’ ! Une affirmation qui ne va pas de soi. S’il faut en croire le livre des Nombres, Miryam et Aaron se posaient déjà quelques questions : « Est-ce à Moïse seul que le Seigneur a parlé ? Ne nous a-t-il pas parlé à nous aussi ? » (Nb 12) La réponse était qu’il y a deux façons de ‘parler aux hommes’ : Dieu parle de vive voix à Moïse mais en langage énigmatique (en vision) aux prophètes qui doivent ensuite interpréter (cf. Joseph en Égypte). Pour ces derniers donc, une parole sous forme de rêve à déchiffrer et à traduire pour leurs contemporains ; c’est moins clair qu’une parole dictée mais c’est aussi plus ouvert, plus généreux. 

Les pharisiens et les scribes se reposeront la question treize siècles plus tard, au sujet de cette femme considérée comme adultère. « La loi de Moïse nous prescrit de la lapider ; et toi, qu’en penses-tu? » La réaction de Jésus est en deux temps. D’abord il se baisse et trace des signes sur le sol, contrastant avec ceux de Moïse  gravés dans le marbre. Comme pour signifier qu’il y a d’un côté le texte immuable, de l’autre des écrits circonstanciels. Le texte fixé à jamais et la Parole de Dieu toujours à réinventer. Puis se relevant, Jésus invite les pharisiens à s’interroger sur eux-mêmes plutôt que condamner les autres ; il adresse à la femme une parole de pardon et de réhabilitation !

Parole écrite ou Parole parlée ? Parole éternelle ou Parole circonstanciée ? Paul semble connaître la réponse : « La fin de la Loi, c’est le Christ » (Rom 10,4). Ou bien Marc : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour la loi » (Mc 2,27) Mieux que la parole exclusive des tenants du légalisme, il y a la Parole inclusive de Jésus, qui pardonne et réhabilite la femme dans la communauté des vivants. Parole libératrice qui probablement s’envolera aussitôt, tant elle est contextuelle et qu’elle ne vaut qu’une fois ! Mais elle fait surgir des mondes nouveaux et des existences nouvelles, comme au tout début de la Genèse : « Dieu dit et il en fut ainsi ! » 


Fifty Shades of Wisdom (Matthieu 2,1-12 ; Ephésiens 3,1-12)

PR R. DEWANDELER – Six janvier : la visite des mages. Noël pour les chrétiens orthodoxes. La version de la naissance de Jésus selon Matthieu. Une naissance à dimension cosmologique : des mages venus d’Orient, guidés par un astre, pour célébrer la naissance d’un Messie. Luc rapportait une légende à taille humaine ; Matthieu voit tout en grand, peut-être pour dire déjà l’impact universel qu’aura cette naissance extraordinaire…

Comme en Esaïe 60, il est question de lumière, de gloire du Seigneur, des plus grands rois de la terre, l’or et de l’encens… mais tout converge cette fois vers l’enfant nouveau-né, et vers la nouvelle Jérusalem, horizon de toutes les espérances. 

L’auteur de l’épître aux Éphésiens semble bien avoir relu plus tard cette naissance comme un événement d’ampleur cosmologique. Il parle du mystère du Christ, manifestation de la sagesse de Dieu qui ne s’adresse plus seulement aux juifs mais également aux ‘nations’. Le salut pour tous sans distinction de race ou de religion, tel est le message de la sagesse multiple de Dieu. Une vraie révolution qui fait passer d’une religion exclusive à une religion inclusive, ouvrant les portes de la foi même aux non juifs, aux ‘autres’ ! Révision en profondeur du judaïsme, révolution dans l’histoire du monothéisme, point essentiel de la prédication paulinienne…

Un message plus qu’actuel en ce 21e siècle où l’inter-culturalisme constitue l’un des grands défis pour l’humanité. L’auteur de l’épître aux Éphésiens utilise ce mot absolument unique dans le Nouveau Testament : « la sagesse polupoikilos de Dieu », litt. ‘multicolore’. La sagesse de Dieu infinie en ressources (BJ). 

L’expression ‘sagesse multicolore’ fait songer au récit de la Tour de Babel, véritable apologie de la diversité. Le mythe d’une humanité tentée par le langage unique, obsédée par l’idée d’atteindre le ciel et ‘se faire un nom’. En soi un bel objectif : un monde sans brexit, un continent unifié… or Dieu se méfie de l’uniformité, il met en garde contre ce fantasme de l’unicité. En puissant défenseur de la diversité, le Créateur sème la confusion ! Comme si l’humanité ne valait que dans et par sa diversité !

Fifty shades of wisdom, Cinquante nuances de sagesse. Dieu dont la sagesse possède toutes les nuances. Sagesse multicolore (polupoikilos). Une sagesse arc-en-ciel. Avec en perspective une mission inestimable pour l’Église universelle : faire connaître à l’univers entier la sagesse multicolore de Dieu. L’Église chargée de témoigner et d’annoncer un Dieu arc-en-ciel. Une Église laboratoire de la diversité, modèle pour le monde et pour les sociétés humaines.


Confession de foi environnementale

Comme chrétiens, ancrés dans la tradition biblique, nous professons que l’univers et tout ce qu’il contient sont le fruit de la bonté suprême de Dieu, créateur des Cieux et de la Terre. Nous professons un Dieu qui a donné à l’humanité une place particulière au sein l’ensemble du vivant ; Dieu compte sur nous pour une gestion responsable et respectueuse de notre environnement naturel.Nous considérons l’appel à devenir Église verte comme une mission en vue de la sauvegarde de la création, la préservation et la durabilité des ressources terrestres. Nous redisons notre vision d’un monde de paix, de justice et d’amour ; cela signifie entre autres l’engagement de l’église, de nos paroisses et de nos communautés à respecter la vie dans toutes ses manifestations – humaine, animale, végétale, minérale – et à participer à la construction d’une maison commune dans un esprit œcuménique. Lorsqu’il a créa l’univers, Dieu vit que cela était bon ; aussi nous nous engageons à prendre soin de la terre, des mers et des airs, et de tous leurs habitants, dans la mesure de nos moyens, parce qu’ils sont les signes de la présence et de l’amour de Dieu dans ce monde. Amen.


Noël, plus qu’un faire-part de naissance

Noël, l’annonce d’une naissance. Une annonce ! Pas simplement le faire-part posté par les jeunes parents heureux de présenter leur fils qui pèse 3,5 kilos. Noël, c’est une annonce, une proclamation : celle d’un message qui peut changer nos façons de considérer le monde, la vie, l’existence. Davantage qu’un faire-part, le récit de Luc dégage une signification extraordinaire, merveilleuse, métaphysique : pour ceux et celles qui ont besoin de consolation, Noël est le signe d’un Dieu qui se rend proche d’une humanité qui vaut d’ailleurs le déplacement. Noël, le signe d’une alliance entre le Ciel et la Terre (immanu-ël). Dieu ‘fait corps’ avec l’humanité, littéralement. Aujourd’hui, célébrer Noël, c’est dire que nous croyons en ce Dieu là… et en cette humanité-là. Pas un Dieu distant et indifférent, pas une humanité médiocre et inintéressante : un Dieu d’amour et une humanité capable d’amour.


L’ECHO WALLON est le bulletin mensuel des Eglises Wallonnes aux Pays-Bas. Il a pour mission d’être un organe de formation, d’information et d’unité. Il paraît dix fois par an et contient tous les renseignements sur les activités des différentes paroisses, des articles signés des pasteurs, des rapports d’événements, etc.

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LE RELIGIEUX DANS LA LITTERATURE FRANÇAISE

ERNEST RENAN – « Continuons d’admirer la ‘morale de l’Évangile’ ; supprimons dans nos instructions religieuses la chimère qui en fut l’âme. Mais ne croyons pas qu’avec les simples idées de bonheur ou de moralité individuelle on remue le monde. L’idée de Jésus fut bien plus profonde ; ce fut l’idée la plus révolutionnaire qui soit jamais éclose dans un cerveau humain ; elle doit être prise dans son ensemble, et non avec ces suppressions timides qui en retranchent justement ce qui l’a rendue efficace pour la régénération de l’humanité. »


ERIC EMMANUEL SCHMITT – « Dieu, j’ai deviné que tu venais. C’était le matin. J’étais seul sur la Terre. Il était tellement tôt que les oiseaux dormaient encore, […] et toi tu essayais de fabriquer l’aube. Tu avais du mal mais tu insistais. Le ciel pâlissait. Tu gonflais les aires de blanc, de gris, de bleu, tu repoussais la nuit, tu ravivais le monde. Tu n’arrêtais pas. C’est là que j’ai compris la différence entre toi et nous : tu es le mec infatigable ! Celui qui ne se lasse pas. Toujours au travail. Et voilà du jour ! Et voilà de la nuit ! Et voilà le printemps ! Et voilà l’hiver ! […] Quelle santé !

J’ai compris que tu étais là. Que tu disais ton secret : regarde chaque jour le monde comme si c’était la première fois. 

Alors j’ai suivi ton conseil et je me suis appliqué. La première fois. Je contemplais la lumière, les couleurs, les arbres, les oiseaux, les animaux. Je sentais l’air passer dans mes narines et me faire respirer. J’entendais les voix qui montaient dans le couloir comme dans la voûte d’une cathédrale. Je me trouvais vivant. Je frissonnais de  pure joie. Le bonheur d’exister. J’étais émerveillé.Merci, Dieu, d’avoir fait ça pour moi. J’avais l’impression que tu me prenais pas la main et que tu m’emmenais au cœur du mystère contempler le mystère. Merci. »

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