Trois églises en une
Depuis le 16e siècle, les paroisses de Dordrecht, Breda et Middelbourg avaient leur propre existence au sein de la ‘Réunion wallonne’, l’une des ‘classes’ au sein du protestantisme néerlandais. Chacune possédait son propre consistoire, sa propre gestion, sa propre diaconie et, jusqu’au début du 20e siècle, son poste pastoral. Ces dernières années, ces communautés protestantes sont devenues de plus en plus fragiles. Deux raisons principales à cela : la diminution de la pratique religieuse et l’affaiblissement de la langue française aux Pays-Bas. Le nombre de membres a donc fortement diminué, avec comme conséquences inévitables la difficulté de trouver des personnes prêtes à s’engager au sein du consistoire et de préserver l’autonomie financière des paroisses. Tout cela (le nombre de paroissiens, les finances) a conduit beaucoup de communautés protestantes aux Pays-Bas à fusionner.
C’est pourquoi nos trois communautés ont décidé récemment de n’en former plus qu’une. En 2010, il y eu la fusion entre Breda et Dordrecht, puis début 2020, avec Middelbourg. Administrativement donc, nos communautés ne forment plus qu’une seule paroisse, conduite par un consistoire, avec une diaconie, un poste pastoral…. Mais bien trois lieux de culte.
Pour plus de détails sur l’histoire des trois églises, cliquer sur l’un des liens suivants : l’Église Wallonne à Dordrecht / l’Église Wallonne à Breda / l’Église Wallonne à Middelbourg.
Les WALLONS à DORDRECHT
Au fil des siècles, la communauté wallonne de Dordrecht a laissé de nombreuses traces de son intégration dans le paysage et l’histoire de la cité dordrechtoise. Un bâtiment situé au cœur de la cité, à deux pas de l’hôtel de ville, rappelle aux passants l’existence d’une minorité protestante de langue française. Un monument funéraire et des noms de rue évoquent la présence de générations de Wallons et Huguenots. Une école, un institut de langue, une plaque commémorative renvoient à des pasteurs wallons qui ont marqué leur époque.
Le temple wallon – A l’angle de la Visstraat et de la Voorstraat se dresse le bâtiment qui a servi de lieu de culte à l’Église Wallonne durant trois siècles et demi. En 1635, la municipalité octroie à la communauté wallonne le droit de disposer ‘tant qu’elle existerait’ de la Gasthuiskapel. Bâtiment de style néo-gothique ancien comportant à l’origine deux nefs, l’église est réduite en 1841 à sa taille actuelle. Avec sa façade en briques surmontée d’une tourelle hexagonale (provenant de la Wijnkoperkapel), ses 9 travées et niches arrondies pourvues de fenêtres, elle reste l’un des témoins de l’histoire de l’Église Wallonne. En 1985, la municipalité ayant décidé d’utiliser le bâtiment à des fins commerciales, elle propose en échange (et aux mêmes conditions) l’utilisation par la communauté wallonne de la prestigieuse Statenzaal, dans le complexe du Hof, là où a été signée, le 4 juillet 1575, l’Union de Dordrecht garantissant la liberté religieuse.
Toujours au centre-ville, dans la Augustijnenkerk, se trouvent les tombes de Louys de Geer père et fils. Le père, un noble originaire de la région liégeoise (Belgique), arrive à Dordrecht en 1596 et devient membre de la communauté wallonne. Quant au fils, surnommé le ‘roi des canons’, il est à cette époque l’un des plus importants industriels du fer et du cuivre, aux Pays-Bas et, plus tard, en Suède.
Au numéro 1 de la Lange Breestraat, la plaque commémorative du célèbre poète néerlandais Jacques Perk fait songer à son père Marie Adrien Perk, pasteur de l’Église Wallonne de Dordrecht de 1855 à 1868. Le long de la rivière Oude Maas, les rues Binnen Walevest et Buiten Walevest (PHOTO) évoquent la présence de familles ou de troupes wallonnes au 17e siècle. Dans la partie Sud de la ville, la Polyanderschool doit son nom à Johannes Polyander, pasteur de l’Église Wallonne de 1591 à 1611, également professeur de philosophie et d’éthique à l’Illustre École de Dordrecht. Il était connu pour ses qualités de conciliateur en un temps de sévères disputes théologiques. Quant à la section dordrechtoise de l’Alliance Française, elle a été fondée en 1903 par Eugène Picard, pasteur de l’Église Wallonne de 1900 à 1914.
Depuis 2012, c’est dans la Trinitatiskapel, située à la Vriesestraat, que se réunit la communauté wallonne, bâtiment qu’elle partage actuellement avec la communauté luthérienne.
Pour aller plus loin – En 2012 est paru le livre de Herman A. van Duinen : l’Eglise Wallonne de Dordrecht – 425 années en textes et en images – de 1586 à 2011 (texte à la fois en néerlandais et en français). Pour commander le livre, cliquer sur info@eglisewallonne.nl.
Les WALLONS à BREDA
La plus ancienne CHAPELLE DE BREDA. La chapelle où se réunit la communauté wallonne de Breda est située à la Catharinastraat, l’une des plus anciennes voies de la ville, autrefois nommée Caterstrate. Le site est occupé de façon continue depuis le 12e siècle. En 1440, selon le souhait de Jeanne de Polanen, épouse du compte Englebert 1er de Nassau, une chapelle y est construite et dédiée à saint-Wendelin, abbé-missionnaire écossais du 7e siècle. De style gothique, elle comporte une nef de cinq travées, prolongée par un chœur de deux travées, clos par un chevet à trois pans.
En 1531, désirant agrandir son château de Breda et avec le consentement de l’Évêque de Liège, le comte Henri III de Nassau cède la chapelle et le terrain attenant aux béguines anciennement logées à la Kasteelplein. Une première restauration du bâtiment est entamée.
Toutefois, les béguines ne jouissent pas longtemps de leur nouveau sanctuaire. Après la prise de la ville par Charles de Héraugière, la chapelle est accordée à l’Église Wallonne. C’est à cette époque que le gouverneur, habitant à une vingtaine de mètres du temple, fait percer entre son jardin et l’enclos des béguines un passage pour ses équipages, au grand dam des religieuses.
Lors de la reconquête espagnole par le marquis Ambroise Spinola en 1625, les sœurs récupèrent la chapelle et la conserveront jusqu’en 1648, alors que Breda est redevenue une possession des Provinces-Unies dès 1637, à la suite de la reprise de la ville par le stadhouder Frédéric-Henri. Pendant ces onze dernières années, les Wallons doivent se contenter de lieux de culte peu en rapport avec l’importance de la communauté : la chapelle de Markendaal, celle des sœurs noires à la Molenstraat et celle de l’hôpital au Beyerd.
En conséquence du traité de Munster, le placard du 16 juin 1648 abolit le culte catholique romain et fait fermer ses églises. Un mois plus tard, le pasteur Louis de Renesse prêche dans la chapelle saint-Wendelin, qui sera bientôt à nouveau affectée à l’Église Wallonne. Reste le problème de l’accès au sanctuaire, car pénétrer par la porte existante oblige de fouler le sol du Béguinage. Le stadhouder Guillaume II, baron de Breda, ordonne alors, le 3 janvier 1649, de percer une entrée côté rue. Le charpentier de la ville Jan Wouters de Rijckevorssel est chargé de cet ouvrage, ainsi que la condamnation de l’ancienne entrée et la construction de la salle du consistoire. Le 5 septembre 1649, le culte wallon est rétabli dans la chapelle, où il est célébré jusqu’à nos jours.
En 1982, durant des travaux de restauration, le portail qui donnait primitivement accès à la chapelle est dégagé du mur où il avait été encastré. C’est une belle porte en chêne de style gothique tardif dont le trumeau s’orne d’une console portant une statue de sainte Catherine d’Alexandrie, la patronne des béguines. Ce très beau vestige archéologique, magnifiquement restauré, a été dressé contre le mur intérieur nord, derrière une vitrine où les visiteurs peuvent désormais le contempler.
Depuis 1980, la fondation Stichting tot beheer en exploitatie van de Waalse Kerk te Breda est chargée de l’entretien et de l’exploitation de la chapelle (www.waalsekerkbreda.nl). Deux représentants du consistoire de la paroisse wallonne siègent au conseil de gestion de la fondation.
Pour aller plus loin – En 2015 est paru le livre de Guillaume de Grenelle, La communauté wallonne de Breda – Une histoire de 425 années et même davantage (texte à la fois en néerlandais et en français). Pour commander le livre, cliquer sur info@eglisewallonne.nl.
Les WALLONS à MIDDELBOURG
Fondée en 1574 dans une ville autrefois économiquement et intellectuellement centrale, l’Église Wallonne de Middelbourg est la plus ancienne des communautés protestantes francophones aux Pays-Bas. Le temple, où le culte fut célébré durant près de quatre siècles, fut détruit par un bombardement allemand en 1940. Aujourd’hui, la communauté se réunit dans la Engelse Kerk (Simpelhuisstraat 12).
Pour aller plus loin – Sur la destruction du temple sous le bombardement allemand en 1940, voir le texte en néerlandais de Tarquinius Noyon, Smijt het in de regenput (‘Il pleut des hallebardes’) (http://www.egliseswallonnes.nl/fr/wp-content/uploads/2016/08/Smijt-het-in-de-regenput-verhaal-over-het-kerkzilver-van-de-Waalse-Kerk.pdf).
Les églises Wallonnes aux Pays-Bas
Pas vraiment wallonnes au sens où on l’entend en Belgique, pas tout à fait néerlandaises de par leur histoire, pas seulement francophones, les Églises Wallonnes constituent un phénomène original dans le paysage religieux et linguistique européen…
Des églises refuge
– Les Églises Wallonnes représentent la branche francophone de l’Église protestante aux Pays-Bas. A ce titre, on pourrait tout aussi bien les nommer Églises protestantes francophones. Si elles se nomment ‘Eglises Wallonnes’, c’est que la plupart d’entre elles furent fondées au 16e siècle par des protestants réformés issus des provinces du Sud des Pays-Bas (l’actuelle Belgique et la région de Lille). Un siècle plus tard, au lendemain de la Révocation de l’Édit de Nantes (1685), les Huguenots quittèrent la France et trouvèrent refuge dans ces églises francophones. Au 18e siècle, ce sont cette fois les protestants vaudois, venus d’Italie, qui les rejoignirent. De nos jours, les populations issues de pays africains francophones y trouvent souvent une ‘terre d’accueil’. Si elles ont gardé leur appellation d’origine, les Églises Wallonnes sont en réalité des communautés protestantes francophones aux Pays-Bas.
Dès le 16e siècle, ces communautés francophones firent tout naturellement partie du protestantisme néerlandais. Même si leur population s’est progressivement intégrée dans la culture et la langue du pays, les cultes en langue française furent maintenus. De nos jours, la majorité des croyants qui s’y rendent sont des Néerlandais qui, pour une raison ou une autre, entretiennent un lien particulier avec la francophonie. Toutefois, du fait de ce ‘bilinguisme’, souvent le culte célébré en français est suivi du ‘café fraternel’ en néerlandais.
Des églises multiconfessionnelles
– Contrairement à la plupart des églises aux Pays-Bas, les Églises Wallonnes, toutes d’origine réformée, ne se définissent pourtant pas par rapport à une tradition particulière du protestantisme. Si chacune des paroisses possède sa ‘couleur locale’, c’est d’abord et avant tout la langue qui les rassemble. Ce qui explique sans doute, d’une part que les Églises wallonnes n’ont pas subi les grandes divisions ayant marqué l’histoire du protestantisme néerlandais, d’autre part qu’elles rassemblent des chrétiens de multiples sensibilités théologiques : réformés, luthériens, remontrants, catholiques, évangéliques, libéraux… et certains même qui se disent non-croyants mais apprécient nos moments de méditation en français.
Pour autant, les Églises Wallonnes sont membres à part entière de l’Église protestante des Pays-Bas (Protestantse Kerk in Nederland), dont elles reconnaissent et acceptent la Discipline ecclésiastique, où elles sont représentées à différents niveaux de décision et au sein de laquelle elles assument leurs responsabilités.